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Reconditionnement
Caroline savait que le commissaire ne comprenait pas pourquoi elle était
restée si longtemps dans un endroit aussi détestable.
Elle expliqua alors que son mari avait réussi à la persuader que si elle
restait calme et sereine elle pourrait s’occuper de son enfant car le
Supervisor n’admettait auprès des enfants que les femmes qui croyaient en ses
préceptes.
Elle fut donc priée de se rendre aux réunions pour progresser dans la
connaissance de soi, pour que l’enseignement de son enfant suive une courbe
ascendante vers la perfection. Ces séances avaient lieu dans une immense pièce
en rotonde où toutes les mères des garçons du Maître étaient réunies. Caroline
ricanait sous cape, sous le couvert d’accepter les conditions, elle projetait
un plan pour s’évader.
Hélas ce ne fut pas aussi simple qu’elle l’imaginait. Auparavant il lui
fallait obtenir la confiance totale de son mari, donner le change auprès des
« frères et sœurs » et surtout ne pas s’opposer aux
« affaires » du Supervisor ! Allait-elle longtemps pouvoir supporter toutes les contraintes sans
faire remonter ses sentiments à la surface ? Serait-elle assez douée pour
jouer la comédie ?
Un jour, arrivant un peu en retard à une séance, Cachée derrière un gros
chêne, elle fut témoin d’une scène qui l’horrifia. Une des mamans avec qui elle
s’était liée d’amitié était traînée par deux sbires au sortir de la
« maison des punitions ». La jeune femme était toute dépenaillée, les
yeux hagards et d’une maigreur incroyable ! Voilà pourquoi elle ne l’avait
pas revue depuis une quinzaine de jours et personne n’avait osé lui dire où
elle se trouvait. La malheureuse hoquetait qu’elle avait compris la leçon et
les suppliait de lui donner à boire. Insensibles à sa prière les deux maîtres
de la sécurité l’entraînèrent au fond du parc, la partie uniquement autorisée aux
adeptes du septième degré.
Le commissaire écoutait attentivement cette partie du récit. Caroline
les avait-elle suivis ? Oui… Ils avaient déposé la pauvre femme devant un
arbre et… Un projectile l’attint en pleine tête… Caroline allait pousser un cri
quand sa bouche fut bâillonnée par deux mains puissantes. Thomas lui murmurait
à l’oreille : « Surtout ne crie
pas…. Ta vie est en danger s’ils s’aperçoivent de ta présence… Retourne dans
ton lit et fait mine d’être malade, il est trop tard pour te présenter à la
séance… Tu ne dois surtout pas donner l’éveil… » Caroline sentait la
peur de Thomas, identique à la sienne, mais pas pour les mêmes raisons. Lui
certainement par crainte de perdre le degré qu’il venait d’acquérir et elle la
terreur de finir comme cette malheureuse.
Le commissaire Perlicchi
avait du mal à contenir sa colère. Qu’avaient-ils fait du cadavre ?
Enterré sous la statue mobile du Maître près du lac aux cygnes. Cet endroit si
paisible était le réceptacle de l’horreur ! Traumatisée par ce qu’elle
avait vu, Caroline avait repoussé son évasion. Elle devait parfaitement la
préparer car si elle échouait, elle finirait…
Jour après jour elle revoyait la scène. Thomas lui proposa de participer
à la tournée de recrutement, cela lui changerait les idées…. Comment pouvait-il lui demander d’entrainer
d’autres personnes dans cette galère ? Elle le pensa mais ne le lui
dit pas. Il était chercheur de proies et cela l’écoeurait mais elle devait se
contenir, elle ne voulait pas être séparée de son fils et surtout ne pas se
retrouver dans la maison punitive !
Le commissaire devait réussir à obtenir un mandat pour fouiller les
alentours du fameux lac aux cygnes mais les seuls aveux de Caroline ne
suffisaient pas. Il lui fallait des preuves… Il en parlerait plus tard, il ne
fallait pas effrayer la jeune femme…
A suivre...
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